Hommes à tout faire

Qui sont-ils ?

Ce sont des hommes à tout faire. Gypse, peinture, assemblage, menuiserie, installation d’appareils électroménagers, entretien extérieur ; leur débrouillardise, leurs compétences et leur expérience en font des êtres indispensables. Certains ont créé des entreprises, d’autres travaillent de façon autonome et plusieurs aussi le font en parallèle du système de réglementation en vigueur.

DANIEL LAUZON

Beau-frère à louer

Daniel Lauzon est diplômé en gestion. Il est le fondateur de Beau-frère à louer, une entreprise de 20 employés qui réalise près de 1500 appels de service par année. « J’avais des immeubles à revenus et je faisais les rénos moi-même. Tout se compliquait lorsque j’avais besoin d’engager des hommes à tout faire pour travailler avec moi. Je trouvais ça incroyable que ce soit si difficile de trouver du personnel fiable », explique Daniel Lauzon. 

Motivé par sa passion pour les rénovations et son expérience en gestion, il a créé Beau-frère à louer. L’entreprise offre un service d’homme à tout faire pour des travaux de rénovation, d’entretien et de nettoyage requis autour d’une propriété. « Les clients s’abonnent et obtiennent un rabais sur les heures travaillées, profitent de nos rabais chez des partenaires et fournisseurs en plus de recevoir des rappels sur les entretiens à faire selon la période de l’année. C’est un peu comme vivre en condo, avec un beau-frère disponible à l’année pour un coup de main », dit-il.

Le travail au noir dérange M. Lauzon. « Ça prend plus qu’un marteau ou un tournevis pour se dire homme à tout faire. Nous, nous avons une structure permanente en place. » Même si ses prix sont de 30 à 40 % plus chers que ceux des travailleurs qui s’affichent sur le web, son entreprise ne semble pas trop en souffrir : « Les gens ne veulent pas juste payer le moins cher possible, ils veulent que le technicien se présente, qu’il termine la job et, surtout, ils veulent avoir une garantie que le travail sera bien fait », termine M. Lauzon.

BENOIT JOBIN

Le coffre aux services

Spécialisée en travaux de rénovation et d’entretien, particulièrement en finition, l’entreprise de Benoit Jobin s’affiche elle aussi en utilisant le terme « homme à tout faire ». « Je fais beaucoup de finition intérieure ou encore des projets de rénovation : sous-sol, plâtre, peinture, plancher, cuisine, salle de bains, sauf plomberie et électricité », détaille-t-il. M. Jobin fait aussi de plus petits travaux, comme l’installation d’airs conditionnés. « C’est pas quelque chose de très compliqué ni très long, mais la clientèle plus âgée n’a pas la force physique ou n’a pas les outils pour le faire. »

Avec Le coffre aux services, il travaille principalement seul. « J’ai déjà eu des gens qui travaillaient pour moi, mais je suis très critique et ils n’atteignaient pas les standards de qualité que je demandais. Dans ce cas, je préfère faire moi-même les travaux », explique l’entrepreneur. Par contre, pour la période estivale et des travaux d’entretien et de réparation extérieurs comme le patio, les platebandes, la peinture de clôture ou le nettoyage de gouttières, M. Jobin délègue des tâches et engage des gens à temps partiel.

Le coffre aux services se fait connaître sur le web par son site et par les petites annonces. Pour se démarquer du lot, il se présente comme un entrepreneur en rénovation qui offre d’autres services. « Ceux qui travaillent sans licence nous enlèvent des contrats. Mais, surtout, ils entachent notre réputation. Je répare régulièrement des travaux qui ont été faits par des jobeux. Les gens sont gênés de me dire qu’ils ne voulaient pas payer cher et se retrouvent à payer en double pour que le travail soit fait », déplore Benoit Jobin.

MICHEL*

Il ne s’affiche nulle part. Il fait des tâches d’homme à tout faire depuis une quinzaine d’années, sans licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

« Je travaillais comme journalier et j’ai perdu mon emploi à la suite de la fermeture d’une partie de l’usine, explique Michel. J’ai profité du temps que j’avais pour entreprendre des travaux de rénovation majeurs chez moi. Une fois qu’ils ont été terminés, une voisine m’a demandé de faire son sous-sol. J’ai ensuite été recommandé à un de ses amis pour installer des armoires de cuisine, et ainsi de suite. » Aujourd’hui, Michel estime qu’il travaille une trentaine d’heures par semaine à réaliser des travaux d’homme à tout faire. Les demandes les plus populaires : gypse, peinture, installation de luminaires, stores ou rideaux et entretien extérieur autour de la maison.

Il ne nie pas que beaucoup d’hommes s’improvisent menuisiers ou peintres et il admet que plusieurs ne terminent pas les travaux ou dépassent largement les délais. « Souvent, ce sont des gars entre deux contrats, ils ont besoin d’argent, ils commencent une job et trouvent quelque chose plus payant ailleurs, alors ils disparaissent. De mon côté, ça fait 15 ans que je ne travaille qu’avec le bouche-à-oreille. »

Selon lui, la qualité de son travail est sa carte professionnelle, même s’il sait qu’il travaille dans l’illégalité. Et comment voit-il le fait de travailler en sachant qu’il transgresse la Loi sur le bâtiment ? « Ça ne me dérange pas du tout. Je sais que je travaille bien. » Même s’il se dit capable de tout faire, il y a des travaux qu’il refuse d’effectuer. « En électricité et en plomberie, je fais la base : un ventilateur au plafond, un thermostat électronique, une toilette, un bain. Mais au-delà de ça, non. Je sais jusqu’où je suis capable d’aller et je ne prends pas de risque », assure-t-il.

* Prénom fictif. Pour se confier en toute liberté, Michel a requis l’anonymat.

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